• Le Babil en Cabale de N'ego

    S'il fallait parler d'une origine, on dirait que, pour N'ego, c'est ici que tout commence, pourtant, rien dans ces soubresauts textuels, produits par à coups sur des patrons mal-acquis et d'une exécution douteuse ne semble correspondre à l'événement d'une naissance dont le héros sort, nu ou casqué, entière entité extirpée du néant.

    L'urgence est ici laborieuse, ignorante, et le lyrisme, gauche ou paresseux. La nécessité n'en est pas moins réelle, même si elle n'est réellement ni héroïque, ni romantique. Le formalisme est lui-même touchant d'être si formel, et tout ce qui tient l'émotion à distance ne recule devant l'expression que pour mieux sauter dans le pathos.

    Ne s'agissait-il pas, pour ce garçon poète de nier son ego pour mieux l'affirmer ou se préserver intact à l'abri de la négation? Cette entreprise d'écriture de soi n'en est pas une, son activité ne consiste en aucun profit ni partage, si ce n'est d'un narcisse rêvant de donner la mort à son reflet sans jamais oser y porter la main. Conserver une image sans atteinte, brouillée, chiffrée sans clé de l'autre côté, ni au fond. Ni le miroitement d'une pure surface. Ni la franche aventure exploratrice des possibles de l'être sensible décuplé dans le langage ou la froide disparition élocutoire livrée aux mots (elle viendra après, mais comme un paratonnerre : "paramots" comme il le dira lui-même, pour couper l'éclat.)

     

    Nous voilà donc pris dans le babil de la petite enfance du garçon poète, déjà là comme non né, refusant de naître à lui-même comme poète, et de se vivre comme garçon, encore, peut-être. Désigner sous le terme d'abondance de paroles futiles des mots qu'on a pris un tel soin d'écrire, de consigner dans un disque dur et d'imprimer est au choix un geste de coquetterie ou d'humilité. Elle signe en tout cas la tension qui travaille l'ego en reste du poète qui affiche sa production comme gazouillis, certes, mais aussi comme intrigue voire communication supérieure car "en cabale." Et bien sûr qu'il faut entendre son désir d'échappée, de fuite, de cavale  mais comme si il s'y arrêtait lui-même. La confiance du babil qui parle pour le plaisir et non pour dire, est entamée par le désir en cabale qui transpire et conspire, qui manoeuvre ici à chercher du sens là où il n'y en a pas, et à le refuser où il est. Il y a bien quelque chose qui travaille cette écriture mais à quoi, contre qui? 

    Elle l'ignore sans doute elle-même, ajouterait-on facilement, supposant l'éternelle naïveté de la poésie ignorante de son inspiration.

    Mais ne l'écrit-il pas lui-même :

    "Mais le but se dérobe, cabalistique

    Verve, vireux tel

    Une blague baveuse au goût froid de tabac" (Hyperesthésie, p. 17)

    L'auteur a-t-il failli? A-t-il feint?

     

     

     

     


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